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Ambra Mattioli : « David Bowie, mon âme sœur … » (FR)

Aggiornamento: 3 ago 2022


Ambra Mattioli à Bordeaux : un concert qui n’est pas un "clonage stérile de David Bowie".

La performeuse italienne Ambra Mattioli est l’invitée du festival Discotake, créé par Renaud Cojo. Le samedi 25 mai, elle donnera à Bordeaux un concert-hommage inédit en France, consacré au "Blackstar" de David Bowie.

SUD OUEST FRANCE - Publié le 09/05/2019 par Stéphane C. Jonathan.


voici le lien vers l'article https://bit.ly/3Qe2Gri


ci-dessous le texte intégral de l'article-interview


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Drôle de personnage, androgyne et totalement habitée: l'Italienne Ambra Mattioli consacre sa vie entière à David Bowie, dont elle reprend sur scène les chansons avec le groupe Aladdin Insane. Dans le cadre du festival Discotake, qui se tiendra à Bordeaux du 24 au 26 mai, un concert inédit en France se tiendra salle des fêtes du Grand Parc: samedi 25 mai, l'ultime album de David Bowie « Blackstar », publié trois jours avant sa mort, sera joué et chanté en direct sur scène.


- Vous souvenez-vous de votre découverte de David Bowie ?


Oui, ceci est un souvenir indélébile pour moi. J'étais adolescente quand je suis allée voir le film de Nicolas Roeg « L'homme qui venait d’ailleurs ». Je n'avais jamais entendu parler de David Bowie, mais je connaissais le roman de Walter Tevis dont le film est adapté.

J’ai été saisie par le personnage de Thomas Jerome Newton que joue Bowie. J’ai aussitôt voulu tout savoir de cette personne, de cet étranger qu'il envahissait mes pensées de façon écrasante.

Avec mes premières économies, j'ai acheté le 45 tours de « Life on Mars? » qui m’a entraînée dans une parabole ascendante dont Bowie était le centre.

C’est à Londres, où j’étais partie apprendre à mieux maîtriser l'anglais que ma vie a basculé, et David Bowie a été le détonateur. Je portais déjà en moi le besoin de créer, dessiner, peindre, jouer, et j’ai trouvé en lui plus qu’un stimulant : sans que nous ne nous rencontrions jamais, il était devenu une "âme sœur", un professeur, un ami présent dans toutes mes pensées.


- Vous consacrez votre carrière artistique aux travaux de David Bowie. Quelle place tient-il dans votre vie en tant qu’individu ?


Je n'ai jamais cessé d'aimer sa créativité, son innovation et ni de jouer et chanter ses chansons.

Avant Internet, les informations le concernant qui arrivaient jusqu’en Italie étaient très rares, et souvent censurées. J’ignorais tout de sa vie privée, de ses envies ou de ses projets.

J'ai essayé d'obtenir autant d'informations que possible sur les personnes qu'il citait dans ses paroles ou dans les rares magazines de l’époque. Et puis j'ai commencé à rêver, et ces rêves ont rendu son personnage charismatique très concret dans ma vie.

Parallèlement, je commençais à bâtir mon propre univers artistique. Et bientôt, je me suis rendu compte que lui et moi construisions nos musiques de façon incroyablement similaires. Aujourd'hui, je plaisante évidemment quand je dis qu'une bonne partie de mon ADN est mélangée au sien ; mais en partie c'est vrai : en tant qu'artiste, je me suis consacrée aux travaux de David Bowie. Et en tant qu’individu, j’ai le sentiment d’être une vulgarisatrice de son travail, surtout en direction des plus jeunes. Je suis convaincue qu'ils peuvent trouver l'inspiration dans leurs paroles et leurs musiques, pour grandir, réfléchir ou simplement apprécier sa modernité.


- Quel est le vers d’une de ses chansons qui vous décrirait le mieux ?


Les mots qui me décrivent le mieux sont peut-être ceux de « Quicksand ». Le texte entier, mais en plus précisément ces vers: « I’m not a prophet or a stone age man / Just a mortal with potential of a superman / I’m living on» (“Je ne suis ni un prophète ni un homme d'âge de pierre, Juste un mortel avec un potentiel surhumain, Je continue à vivre »). Et il poursuit « If I don’t explain what you ought to know, You can tell me all about it on the next Bardo, I’m sinking in the quicksand of my thought / And I ain’t got the power anymore » (« Si je n'explique pas ce que vous devriez savoir, tu peux tout me dire dans le prochain barde, Je sombre dans les sables mouvants de ma pensée, et je n'ai plus de pouvoir»).

Cette chanson était ma préférée parmi celles que je chantais dans le métro à Londres, quand je survivais en bossant dans un fast-food. Cette chanson résonne très fort en moi. Et bien qu’elle soit si intime et personnelle, j’ai le sentiment qu’elle m’appartient profondément.


- Quelle chanson de Bowie considérez-vous comme son plus chef-d’oeuvre ultime ?


La créativité et la diversité de sa production me fascinent. Il était si prolifique et inventif que je ne trouve pas de mots pour le résumer. Personne d'autre ne lui ressemble. Trop de chansons géniales m’ont marquée pour que je n’en cite qu’une seule : « Quicksand », « The Bewlay Brothers », « Sweet Thing », « Loving the Alien »... Et puis la « trilogie berlinoise » (les albums « Low », « Heroes » et « Lodger », 1977-1979), et enfin « Outside », dernier chef d’œuvre avant « Blackstar ».

Il y en a tant… Si on me collait un flingue sur la tempe pour m’obliger à choisir, je citerais « A Small Plot of Land », parce qu’elle raconte d’une manière effrayante et réaliste la descente aux enfers d'un artiste perturbé. Je pense qu'il s’approche de la télépathie dans la deuxième partie, lorsque l'esprit du Minotaure (le personnage d’ « Outside » dans le passage parlé) se perd dans un rêve mortel. Je ne pourrais pas non plus passer à côté de « "Heroes" », chef-d'œuvre absolu de synthèse et de nouveauté. Cette chanson ne vieillira jamais porte en elle un merveilleux message d'espoir.

Enfin, « Blackstar », parce que c'est un mantra qui accompagne ce qui reste d'une vie dans une dimension nouvelle et différente. Évidemment, il savait qu’il était sur le point de mourir, mais en l’enregistrant, il nous voulait nous délivrer une clef pour faciliter ce passage vers la multi-dimension à laquelle nous reviendrons tous un jour.



- Reprendre « Blackstar », qui n’a jamais été joué sur scène, est un sacré défi.


C’est un pari. Je pense que c'est son dernier grand chef-d'œuvre. Nous ne cherchons pas à en faire une copie exacte, car les émotions des musiciens doivent pouvoir s’exprimer. Nous restons fidèles au disque mais ne voulons surtout pas nous livrer à un clonage stérile.

L'album « Blackstar » contient sa propre magie, qui invite à s’immerger dans une réalité aussi éphémère que tangible: « I Can’t Give Everything Away » (« je ne peux pas tout dévoiler ») sont les deniers mots chantés par Bowie, à la toute fin de l’album.

Jouer ces chansons live est aussi périlleux que stimulant, notamment pour le chant et la dimension rythmique, tous deux très difficiles à reproduire. Travailler une chanson jazz comme « Sue », par exemple, c’est affronter de nombreuses difficultés. Ce qui nous élève forcément.


- Qu’est-ce qui distingue Aladdin Insane, avec qui vous vous produirez à Bordeaux, des autres tribute-bands ?


Les membres d’Alladin Insane sont pour moi plus que de simples musiciens. Ce sont mes compagnons d’aventure pour cette partie de mon voyage. Je me joins à eux quand ils font appel à moi, parfois même sans compensation financière mais parce que je considère mon interprétation comme un acte d'amour et de gratitude envers un artiste que j'estime immensément.

Si le public ressent tout cela, c’est aussi parce que nous n'utilisons ni bandes enregistrées ni ordinateurs : tout est joué live. C’est un point que j’ai toujours imposé à mes amis musiciens.

Quels titres chanterez-vous en seconde partie du concert ?

Nous avons choisi des titres très différents. Certains d’entre eux ont rarement été joués live par David Bowie.

Pour le public français, nous présenterons un programme assez raffiné, avec des chansons telles que « It’s No Game », le poignant « The Bewlay Brothers », « Time », « Lady Grinning Soul », « Boys Keep Swinging », « Five Years »….


- Dans le film « Burning Tape », vous racontez avoir rêvé de David Bowie la nuit qui a précédé l’annonce de son décès...


Je sais que cela peut sembler difficile à croire, mais la nuit où David nous a quittés, j’ai fait ce rêve troublant, dans lequel il se tourne vers son médecin, lui dit « let’s go » et se lève pour disparaître. Quand je me suis réveillée et que j’ai appris la nouvelle – terrible pour moi – de sa disparition, j’ai réalisé que mon expérience avait été réelle. Une "superposition de l'astral", dit-on dans la littérature ésotérique. Je n'ai aucune explication et je ne sais pas comment déchiffrer ce qui s'est passé. Ma vie est a beaucoup changé depuis ce jour-là, et continue de changer.

Je n'ai jamais serré la main ou personnellement rencontré David Bowie. J’aurais peut-être pu l’approcher, par l’entremise de mon oncle Roger Moore (qui, de 1969 à 2000, était marié à Luisa Mattioli, la soeur de mon père), mais je n’ai jamais fait la démarche.



Toutes les photos de cet article sont de © Pasquale Colosimo


Ci-dessous le lien vers le même article, publié le 10/05/2019 également au "Sud Ouest blogs"



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